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Article publicat a “Lire” el novembre 1998 per Catherine Argand

Une vie de chien... et d'écrivain

Paul Nizon, vagabond, a choisi depuis plus de vingt ans l'univers de la rue. Comme son chien, il renifle la vie et la traduit en mots. Pour s'offrir un nouveau monde.
«Il n'y a que dans la rue que je me sentais bien, en transit, enfoncé dans le quotidien des autres. Ici j'étais chez moi. J'aspirais à pleins poumons les bactéries de l'extase et des désirs. Ce qu'il y avait de plus secret était public, et ce qui était public était mystérieux.»
Depuis longtemps, nous savions que Paul Nizon, cet Helvète aux allures de voyou sicilien, était un déviant. Un déviant littéraire qui écrivait des autofictions vertigineuses avec trois bouts de ficelle. Un déviant corporel marchant plus que de raison. Un déviant social qui avait planté là carrière, famille et respectabilité. Né à Berne le 19 décembre 1929 d'un père chimiste d'origine russe et d'une mère bernoise, l'artiste rompt, il y a vingt ans, avec le confort et la Suisse pour aller de l'avant, se dissoudre de faim, disparaître dans le décor.
«Finalement j'ai bel et bien disparu», nous confie l'artiste dans ce onzième opus qui suit les trottoirs en déclinant les charmes de la vie de chien. Bandes d'écoliers qui piaillent, filles de rues aux battements de cils aguichants, boulangeries, laveries fumantes, bistrots, façades muettes, vagabonds... La fièvre du trottoir, transformé sous nos yeux en pays plus saisissant que n'importe quels confins géographiques, une sorte d'anti Groenland surpeuplé et odorant, est «un mélange d'excitation de la pensée et de trouble des sens». Le chien dont il est question tout au long de ce livre est un quadrupède tenu en laisse par l'ami Nizon aux différents âges de sa vie. Un quadrupède toujours prêt à sortir, renifleur, traînard, inutile et instinctif dont on comprend très vite qu'il est le double de l'écrivain, ce naufragé social fort aise de l'être, toujours prêt à jeter du lest et à courir partout.
Voici donc un portrait de l'artiste en jeune chien qui n'est pas sans rappeler celui de Dylan Thomas. Comme l'Anglais et n'importe quel caniche, Nizon perçoit le monde d'abord de façon charnelle. De ce choix existentiel il fait une esthétique littéraire. Pour lui, écrire, c'est vouloir et croire qu'avec «des rêves, des cogitations, des ressassements, des fantasmes, il est possible de réussir à créer un monde et que celui-ci puisse être plus magnifique et radical, plus riche, plus complet, et surtout plus indestructible que celui que nous offre la soi-disant réalité».
Alors Nizon renifle, file la trace, se déroute et poursuit des rêves connus de lui seul. Comme le chien. Il ne doit rien à personne, «et rêve d'une vie perdue ou d'une autre vie qui le hante, une vie de caravane, d'épreuves, de courage, de peurs». Comme le chien. Et le faucon, le poisson, la baleine, le pigeon, l'arbre et la pierre.
Au fil des pages - où se mêlent scènes de rue, chambres d'amour, lecture du journal et souvenirs d'enfance - Nizon-le-chien s'interroge: Suis-je un clochard? Suis-je ridicule? Suis-je devenu un vagabond par prétention? De quoi suis-je malade pour avoir atterri dans la rue? Mais l'ivresse du nez en l'air et le goût du mouvement perpétuel sont les plus forts. A tel point que le vagabond Nizon se demande si sa liberté ne serait pas entravée par l'écrivain Nizon. Si celui-ci ne tiendrait pas en laisse celui-là. Car qui dit chien dit maître et laisse, évidemment. Et notre homme s'inquiète: il se sent poursuivi, épié. Il éprouve la crainte d'être un objet d'étude, d'être couché sur du papier. Autant dire le pire qui puisse arriver à cet homme qui ne supporte pas d'être incarcéré dans une histoire (d'amour ou d'état civil), qui considère que «nous falsifions ce qui nous arrive pour en faire des histoires où nous nous enfermons, barricadant toutes les portes» et qui aime par- dessus tout rester dans l'ombre. Celle des femmes, des rues, des emplois changeants et des adresses incertaines.
Et cette sourde incertitude, cette crainte de ne plus pouvoir être soi même, de ne plus pouvoir être personne parce que l'on est un écrivain, porte à son comble ce Chien bondissant. Elle défait brusquement l'élan joyeux, introduit le soupçon, transforme le présent en futur, le hasard en calcul, la promenade en traquenard. Alors, pour échapper à l'écrivain, à ses intentions, à ses soucis, pour en finir avec lui et avec les journaux et avec l'amour et avec tout, Nizon-le-chien, qui se demande comment les choses vont pouvoir continuer maintenant qu'il est trop vieux pour la légion étrangère, décide qu'il est temps de se mettre en route. De partir. N'importe où. Et termine sur ces mots: «Je me sentais prêt à tous les forfaits. Forfaits? Je veux me mettre en route. J'ai besoin de changer de décor. Cours, chien!»

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