LES GRANDES ÉCOLES FRANÇAISES

L'expression grande école désigne en premier lieu les établissements d'enseignement supérieur françaises ayant légalement la possibilité[1] — qui les distingue des universités — de sélectionner les étudiants qu'elles accueillent, soit par concours, soit sur dossier et entretien. Certaines de ces écoles recrutent leurs étudiants au niveau du baccalauréat et sont dites à classe préparatoire intégrée, d'autres recrutent sur concours au niveau bac + 2 parmi les élèves des classes préparatoires aux grandes écoles. Elles font partie, avec les universités et les établissements formant au brevet de technicien supérieur entre autres, de l’enseignement supérieur en France.

Initialement, en France[2], le développement des grandes écoles est venu de la méfiance du pouvoir politique vis-à-vis des universités qu’il jugeait trop inféodées à l’Église, trop engourdies dans la scolastique et assoupies dans des privilèges. Les premières grandes écoles appelées alors Écoles spéciales nées au milieu du XVIIIe siècle étaient surtout destinées à fournir les cadres techniques et militaires de l’État. Les grandes écoles commerciales ne seront fondées que dans un second temps.

Les grandes écoles constituent l'une des particularités propres du système français d'enseignement supérieur. Elles présentent quelques traits caractéristiques, notamment le fait d'être de petites tailles en termes d'effectif étudiant et d'être moins portées vers la recherche que les universités. En dépit des efforts d'ouverture sociale que certaines d'entre elles accomplissent, les élèves issues de milieux favorisés y demeurent très nettement sur-représentés[3]. Les études portant sur l'évolution de leur ouverture sociale[4]constatent une interruption de la démocratisation de l'accès aux grandes écoles à partir des années 1980, alors que l'université continuait, en parallèle, à se démocratiser[5] et une absence presque totale de démocratisation depuis 1950 pour les plus prestigieuses d'entre elles[6].

ORIGINES

Les grandes écoles ont été créés comme des institutions royales et laïques, malgré l'université qui leur opposait son monopole de l'enseignement. C'est sans doute avec la création du Collège royal, afin de permettre la fondation d'un certain nombre de chaires dont l'Université ne voulait pas, qu'il faut faire commencer l'histoire des grandes écoles. Ensuite, les écoles spéciales militaires, qui seront appelées plus tard grandes écoles, ont été créées au milieu du XVIIIe siècle pour fournir le personnel technique de haut niveau (les ingénieurs) dont l’État avait besoin: L'ancêtre de l'école normale supérieure, de son côté, a été créée peu avant le concours de agrégation, sous le nom de séminaire philologique, au Collège Louis le Grand, pour former rapidement le personnel enseignant capable de prendre la relève des jésuites[7] qui au moment de leur expulsion en 1763 tenaient environ 120 collèges.

De grands acteurs de la Révolution française tels Napoléon Bonaparte (école de Brienne), Condorcet, Lazare Carnot (école du génie de Mézières) en sont issus. Ce dernier avec Gaspard Monge, un mathématicien, a créé en 1794 l'École polytechnique, presqu'en même temps qu'était créée l'École normale (future École normale supérieure de la rue d'Ulm) par Lakanal. Dans la même logique, les anciennes facultés de médecine et de droit seront rétablies comme des école de droit et École de médecine, indépendantes de l'université.

La France présente ainsi un système original, unique en Europe et dans le monde, dans la mesure où coexistent les Grandes Écoles et les universités. Les grandes écoles diffusent des enseignements dans les domaines des sciences de l'ingénieur, du commerce, de l'agronomie, de l'administration… (voir ci-dessous) tandis que l'Université a conservé les enseignements de lettres, de théologie, créé ceux de sciences naturelles et de Sciences économiques, dans leur aspect théorique et pédagogique, et récupéré ceux des écoles de droit et de médecine qui sont redevenues des facultés.

TYPOLOGIE

Il n'existe aucune définition ni liste officielle des grandes écoles. Les textes législatifs et réglementaires font principalement référence aux grandes écoles au travers des "classes préparatoires aux grandes écoles" et de la Conférence des grandes écoles. Le terme grande école n'est pas employé dans le Code de l'éducation, à l'exception d'une citation du Code de la sécurité sociale, il emploie généralement l'expression d'écoles supérieures pour désigner les établissements d'enseignement supérieur qui ne sont pas des universités.

Le terme désigne au départ les écoles normales supérieures et un petit nombre d'écoles dont le but était de fournir du personnel aux grands corps techniques de l'État, (École polytechnique, École nationale supérieure des mines de Paris, École nationale des ponts et chaussées, École nationale supérieure de techniques avancées etc...) recrutant exclusivement sur concours. Par la suite ont été ajoutées d'autres écoles dont les concours d'entrée sont également très sélectifs (ENA, ECP...). Son usage est parfois étendu à d'autres d'établissements présentant une grande diversité de niveau et de mode de recrutement. La Conférence des grandes écoles (CGE), association professionnelle loi 1901, utilise une définition assez large de la notion de "grande école", non restreinte aux écoles recrutant majoritairement sur les concours préparés par les CPGE, et s'étendant à un certain nombre d'établissements d'enseignement supérieur menant à un diplôme après cinq années d'études supérieures et recrutant majoritairement sur dossier ou épreuves après le baccalauréat.

La plupart des écoles d'ingénieurs sont publiques. Elles comptent aussi parmi les plus prestigieuses. Ainsi en 2004-2005, sur 226 écoles, 162 étaient sous tutelle de l'Etat (116 par le Ministère de l'Education Nationale et 46 dépendant d'une autre administration) et 64 privées. Elles ont délivré 26 437 diplômes, dont 25% à des femmes.[9]

LES PRÉPAS

Les classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) sont des classes d'enseignement supérieur situées généralement dans les lycées. Communément appelées classes prépas ou prépas et pour la plupart publiques, elles sélectionnent sur dossier et recommandations après le baccalauréat et préparent en 2 ans[1] les étudiants aux concours d'admission de certaines écoles de commerce, de certaines écoles d'ingénieurs, des écoles normales supérieures, de l'École nationale des chartes et dans une certaine mesure des instituts d'études politiques. 76160 étudiants étaient inscrits en classes préparatoires aux grandes écoles durant l'année universitaire 2006-2007 [2], parmi ceux-ci les élèves issus d'un milieu favorisé sont nettement sur-représentés[3].

Les classes préparatoires apparaissent dès le XVIIIe siècle. Initialement, elles sont exclusivement scientifiques. Il faut attendre le XXe siècle pour voir apparaître les classes préparatoires littéraires, puis enfin les classes préparatoires économiques.

L'apparition des premières classes préparatoires s'explique par la mise en place des premiers concours, destinés au recrutement dans les armes nécessitant des connaissances scientifiques (l'artillerie, par exemple). Le premier concours est instauré par Vauban en 1692 (admission dans le Génie). C'est dans le but de préparer les candidats à ces concours militaires que les premières institutions, en grande majorité privées, font leur apparition.

À l'origine, il fallait justifier d'une ascendance noble pour concourir. Après la Révolution française, ce critère de sélection est supprimé. L'ambition de la République d'ouvrir tous les postes à tous les citoyens avec pour seul critère de sélection leurs compétences, trouve son aboutissement dans la création de l'École polytechnique. Les anciennes institutions de préparation aux concours de l'Ancien Régime ne survivent pas à la Révolution. En 1802, Napoléon Bonaparte crée les lycées, dotés chacun d'une "classe de mathématiques transcendantes". En 1809, la 6e année de lycée devient la classe de « mathématiques spéciales ». En 1814 c'est la classe terminale de philosophie qui contient l'enseignement des mathématiques, puis apparait en 1821 une deuxième année de philosophie qui contient des enseignements plus poussés de mathématiques qui s'intitulent à nouveau « mathématiques spéciales » en 1840. Le baccalauréat ès lettres étant passé au terme de la première année de philosophie, celui-ci, et encore moins le baccalauréat ès sciences d'un niveau plus élevé, n'étant pas obligatoire pour l'admission au concours des écoles spéciales, les élèves suivent donc les cours de mathématiques spéciales essentiellement pour préparer le concours d'entrée à l'École polytechnique en négligeant les études classiques.

C'est en 1852 qu'est créée officiellement une classe de mathématiques spéciales postérieure au cursus secondaire, et dans seulement quinze lycées, dédiée à la préparation des concours d'entrée à l'École polytechnique et à la section des sciences de l'École normale. Le programme de cette classe devient en même temps le programme officiel de ces concours et le baccalauréat ès-sciences devient un pré-requis pour l'admission. La classe de logique (terminale) prépare également au concours d'entrée à l'école militaire, l'école forestière et l'école navale.

Les prémisses des classes préparatoires littéraires se font à la fin du XIXe siècle afin de préparer les élèves au concours de l'École normale supérieure. Dans un premier temps, la préparation de ces concours s'est faite dans les classes de rhétorique des lycées, après le baccalauréat de philosophie. En 1880, quelques lycées ouvrent des classes de rhétorique supérieure préparant exclusivement au concours de l'École Normale Supérieure. La plupart de ces classes sont des subdivisions de la classe de rhétorique du lycée et sont rarement autonomes. Dès le début du XXe Louis-le-Grand et Henri-IV remplacent leur classe de rhéthorique supérieure par l'année d'« hypokhâgne » et de « khâgne ». Dès lors, les classes préparatoires littéraires jouissent d'une grande réputation mais commencent à peser d'un point de vue numérique qu'à partir des années 1960. [4]

Les classes préparatoires économiques n'apparaissent que dans les années 1970.