Nous arrivons maintenant aux emplois dont sont actuellement
l'objet chacun des trois agents de la locomotion mécanique,
la vapeur, le pétrole, l'électricité.
331. — Emploi des voitures à vapeur. —
La vapeur, avons-nous dit (§ 327), n'est pas encore aussi
économique que les chevaux pour le transport des charges ordinaires,
et si elle peut, mieux qu'eux, assurer à ces dernières
un transport rapide (à la vitesse de plus de 4 km. à l'heure),
ou enlever des charges indivisibles dépassant 9 à 10 tonnes,
elle a besoin de compter, pour ce service, avec les dégradations
qu'elle imposera aux routes.
En revanche, elle est dès aujourd'hui capable d'assurer,
avec plus de confort et de rapidité que les chevaux et en laissant
un certain bénéfice aux entrepreneurs, des services réguliers
de voyageurs sur bonnes routes. Effectivement de semblables services
ont déjà été installés, tant en France
qu'à l'étranger. Citons, pour les omnibus de Dion-Bouton,
celui qu'ils ont fait pendant assez longtemps aux portes de Paris, entre
Saint-Germain et Ecquevilly, et ceux qu'ils viennent de commencer en
Espagne entre Pampelune et Estella, et entre Figueras et Rosas.
Les véhicules Scotte, qui commencent aussi à se
répandre hors de France (des trains Scotte effectuent un service
de Vievola à Vintimille, sur un trajet d'une durée de 6
heures, avec 43 km. de montée), assurent depuis plusieurs années
des transports réguliers entre Courbevoie et Colombes. Ils ont donné
lieu, dans plusieurs régions, à de nombreux essais, dont
quelques-uns assez prolongés pour paraître concluants, notamment
ceux dont ils ont été l'objet dans la Meuse
1.
En juillet 1896, un train Scotte a circulé sans être
arrête par les fortes déclivités qui se trouvent
dans ce département. Pendant l'hiver suivant, si sa circulation
n'a été possible que sur les routes nationales, qui seules
lui offraient une assiette suffisamment résistante, du moins a-t-il
fourni sur elles un bon service, et cela malgré des chutes de neige
abondantes. Pour parer à l'état dans lequel ces dernières
avaient mis les chaussées, on a d'abord muni les bandages des roues
motrices de clous à glace, faisant saillie de 0 m. 012; puis on a
garni ces roues : 1º de plaques transversales faisant saillie sur
les bandes et maintenues contre celles-ci par de fortes pointes dépassant
la surface extérieure des plaques de 0 m. 014 environ ; 2º
d'une bande centrale arasée au niveau des plaques transversales.
La vitesse dans ces conditions a été de 7,5 km. à l'heure.
Le Ministère de la guerre a fait avec les véhicules
Scotte des essais, qui ont parfaitement réussi, notamment en novembre
1897 pour le transport de matériel, pesant jusqu'à 11
tonnes, sur les routes d'accès, pourtant fort raides, de certains
forts. La traction automobile semble tout indiquée pour l'armement
et l'approvisionnement de ces derniers et pour les autres transports
lourds de la guerre.
En Angleterre, quelques véhicules à vapeur commencent
à être utilisés : mais la construction automobile
se trouve, gênée dans ce pays par cette clause que le poids
mort d'un véhicule ne doit pas dépasser 3 tonnes; cela limite
beaucoup la charge utile.
En Belgique, l'omnibus « Le Lifu », qui dessert Bouillon-Sedan,
va très probablement, s'il ne l'est déjà, être
substitué, par la C
ie des Tramways Bruxellois, aux
omnibus à traction chevaline : il a gravi, dans un tiers de moins
de temps que ces derniers, les plus fortes rampes de la capitale (9
%).
Comme voiture légère à vapeur, nous ne voyons
encore rien d'usuel : nous ne comprenons pas pourquoi la voiture Serpollet
est si longue à se répandre ; nous souhaitons qu'elle
soit bientòt fabriquée en grand et qu'elle mette le public
à mème de la juger. On fait beaucoup de bruit en ce moment
autour de la voiture Stanley, qui nous arrive d'Amérique : l'avenir
nous dira si elle tient les promesses qu'em nous fait en son nom
2.
332. — Emploi des voitures à
pétrole. —
Le tricycle à pétrole, que son prix rend abordable,
est de beaucoup le véhicule automobile le plus employé
: il rend de très grands services ; son endurance n'est plus à
prouver.
La voiture à pétrole est, par excellence, la voiture
de tourisme : elle permet d'effectuer de très longs parcours,
à la vitesse de 20 à 35 km. à l'heure, pas toujours
sans pannes, dont la durée est le plus souvent assez courte, et
dont le nombre, si on excepte les crevaisons de pneus, est à peu
près en raison inverse de la connaissance que le chauffeur a de
sa machine et du soin qu'il en prend. Elle est déjà utilisée
sur une assez grande échelle; son développement va marcher
fort vite, aussi vite, peut-on presque dire, que le permettra la production
des constructeurs.
La voiturette commence à rendre; quelques services ; mais
elle n'est pas encore au point, et c'est fort regrettable. Il faut,
en effet, reconnaître que la voiture de dimensions ordinaires
est chère d'achat, d'entretien et de consommation, et par suite
reste trop l'apanage des riches amateurs. Une clientèle nombreuse
serait assurée à un véhicule de deux places, ne
pesant guère que 300 kg. à vide, faisant 20 ou 25 km. par
heure, ne coûtant que 3.000 fr. Malheureusement sa réalisation
est plus difficile que celle d'une grande voiture, à cause de l'énorme
proportion qu'elle représente entre le poids utile et le poids mort,
le premier devant être presque la moitié du second, alors
qu'il n'en est souvent que le tiers ou le quart dans la voiture ordinaire.
Jusqu'ici on avait cherché à simplifier sa construction
par la suppression du courant d'eau destiné a refroidir le moteur.
C'est ainsi que dans la voiturette Decauville, qui a fait son apparition
aux Tuileries en juin 1898, le moteur n'est refroidi que par le courant
d'air. Depuis cette époque, nous avons vu apparaître la voiturette
des Etablissements Panhard, dans laquelle le commandant Krebs a eu recours,
pour le refroidissement de la seuil soupape d'échappement, à
un courant d'eau circulant sous lu différencie des densités
de sa masse. Allant plus loin, MM. de Dion et Bouton refroidissent tout
le cylindre par un courant liquide que maintient en circulation une pompe.
Ils ne sont pas seuls à trouver que le refroidissement par l'air
est insuffisant pour un moteur de 4 chevaux. Mais s'il faut enlever à
la voiturette l'une des rares simplifications qu'on avait jusqu'ici admises
pour elle, on ne se facilite guère la besogne. Quant à
la suppression de la marche arrière, elle n'est plus possible; d'après
le nouveau règlement, dés que le poids à vide dépasse
250 kg.
Bien que le pétrole ne semble pas indiqué pour
les poids lourds, il est encore acceptable pour un camionnage de poids
moyen, et il commence à lui être appliqué : une
douzaine de camions Dietrich sont en service dans quelques usines du
Nord et de l'Est.
M. Félix Dubois, satisfait des essais qu'il a tentés
avec le camion et l'omnibus Dietrich, sur les 400 km. qui séparent
Koulikoro de Dioudeba, point terminus actuel du chemin de fer du Sénégal
au Niger, a commandé aux établissements de Lunéville
80 véhicules, dont une partie est déjà arrivée
à sa lointaine destination. Le pétrole, comme d'ailleurs
la vapeur, semble appelé à rendre de véritables
services aux colonies.
La France est presque seule à user largement de la voiture
à pétrole : en Allemagne, pays de Daimler et de Benz, elle
est relativement peu employée. On a cependant pu voir, aux Tuileries,
en 1898, un camion Daimler, qu'on nous a dit appartenir à une
série de dix, commandés à l'usine de Cannstadt, pour
le Soudan Français. Et en Angleterre, la voiture à pétrole
commence bien à être employée pour la livraison; il
y a là un débouché possible pour nos constructeurs.
333. — Emploi des Voitures électriques. —
Le règne, de la voiture électrique commence à
peine. Les résultats des concours de Fiacres nous font espérer
son prochain développement, pour cet usage, mais non pas sans
une mise en train assez difficile. Comme celle-ci lui sera évitée
pour le service de remise ou de maître, c'est par ce dernier emploi
que la voiture électrique va se développer. En tout cas,
immédiat ou lointain, son avenir paraît assuré à
mesure que les accumulateurs se feront plus légers et plus durables,
que leur ravitaillement deviendra plus facile, la voiture électrique
verra s'accroître son champ d'action et sa clientèle
3.
Aucun autre mode de locomotion ne lui enlèvera le premier rang
comme propreté et confort.
Le développement des applications électriques en
Amérique semble prédestiner ce pays à devenir
la terre promise de l'accumobile : une autre raison s'y emploie, l'absence
presque complète des routes en dehors des villes, qui semble
pour longtemps y condamner l'automobilisme au service urbain. Nous esperons
pourtant que, même sur ce terrain de la locomotion électrique
sans rails, la France ne se laissera pas distancer par l'Amérique.
334. — L'automobilisme en France
et à l'étranger. —
En tout cas une incontestable suprématie lui appartient,
dans le domaine de la vapeur et plus encore dans celui du pétrole.
Dans son discours à l'Assemblée Générale de
l'Automobile Club de France d'avril 1899, M. le baron de Zuylen a pu
évaluer à 3.250 voitures et 10.000 motocycles le contingent
automobile de notre pays, alors qu'il n'était que de 300 voitures
pour tous les autres, dont la moitié pour la Belgique.
Dans l'édition de 1899 de leur
Annuaire Général
de l'Automobile, MM. Thévin et Houry donnent l'intéressante
statistique suivante :
Pays
|
Constructeurs d'automobiles
|
Négociants
|
Mécaniciens-Réparateurs
|
Dépôts d'essence
|
Électricité.
Usines et postes de charge
|
Propiétaires d'automobiles
4
|
France, Paris et Seine
|
292
|
70
|
35
|
730
|
50
|
1.065
|
France, Départements
|
327
|
928
|
1.060
|
3.209
|
215
|
4.541
|
Allemagne
|
76
|
68
|
57
|
110
|
-
|
268
|
Autriche-Hongrie
|
18
|
18
|
12
|
26
|
-
|
90
|
Belgique
|
63
|
53
|
68
|
148
|
-
|
392
|
Espagne
|
-
|
10
|
4
|
7
|
-
|
44
|
Grande-Bretagne
|
49
|
25
|
-
|
29
|
-
|
304
|
Italie
|
26
|
26
|
24
|
25
|
-
|
111
|
Pays-Bas
|
11
|
22
|
8
|
13
|
-
|
68
|
Suisse
|
24
|
27
|
26
|
36
|
-
|
114
|
Autres Pays étrangers
5
|
2
|
13
|
4
|
12
|
-
|
35
|
|
888
|
1.260
|
1.298
|
4.345
|
265
|
7.032
|
Bien que les 619 constructeurs français, qui figurent
dans ce tableau, ne soient pas tous — et à beaucoup près
— fort importants, il est impossible de nier que l'industrie automobile
a pris chez nous un essor prodigieux, dont on ne trouve l'équivalent
nulle part.
Cette suprématie du moment, il nous faut la conserver.
La Belgique, l'Angleterre, l'Allemagne paraissent vouloir se lancer dans
le mouvement ; il n'est pas jusqu'aux États-Unis, qui ne s'agitent,
malgré le peu de développement que les routes puissent
permettre au pétrole. La
Massachussett's Charitable Mechanic's
Association, dont le siège social est à Boston, cette
institution colossale à laquelle les États-Unis doivent,
en grande partie, leur prospérité industrielle et leur
merveilleux outillage, s'occupe de la question. Ce qui est à craindre
c'est que, profitant de l'expérience acquise par nos constructeurs,
les étrangers ne se mettent à fabriquer, par séries
et a des prix modérés, quelques types empruntés à
notre industrie, pour les exporter plutôt que pour les utiliser
eux-mêmes
6.
Nous ne pouvons donc que répéter ici le cri d'alarme
que nous avons déjà jeté ailleurs
7.
Il y a là un danger sérieux : il serait imprudent de ne
pas le prévoir, et de ne pas nous prémunir du côté
où la concurrence étrangère peut le plus facilement
nous battre, sur le terrain du bon marché
8.
Nos constructeurs doivent donc s'efforcer de diminuer leurs prix
de revient et de vente. Nous ne demandons pas l'impossible : nous savons
très bien que si, au prix qu'une voiture de bon marque coûte
chez le carrossier, on ajoute le prix, assurément important, du
mécanisme, on arrive forcément à un total assez élevé.
Mais nous croyons, et nous comptons sur la concurrence pour nous donner
bientôt raison, que les prix actuels de premier établissement,
et peut-être plus encore les frais de réparation d'une automobile
peuvent être sérieusement abaissés. La construction
en grand assurera ce résultat : espérons que les types
se fixeront bientôt de manière à permettre aux fabricants
l'achat avec assez de quiétude de l'outillage qui leur est indispensable
pour l'exécuter.
Assurément, l'évolution incessante dont l'industrie
automobile est l'objet ne facilite pas la chose ; il est certain que
beaucoup de perfectionnements restent à accomplir ; nous allons
en indiquer quelques-uns.
335. — Calcul théorique
du rendement d'une automobile. —
L'un des plus importants, à notre avis, doit être
l'amélioration du rendement : si l'on veut que l'automobile, confinée
jusqu'ici dans une clientèle, qui ne compte pas avec la dépense
qu'elle occasionne, s'étende à une pratique plus générale
et notamment aux usages commerciaux, il faut que sa consommation arrive
à diminuer. C'est, ce que va nous montrer l'ëvaluation du
rendement actuel d'une automobile. Cette évaluation n'est pas possible
avec les consommations annoncées par les constructeurs, qui varient
du simple au double et même au triple ; les expériences méthodiques
et contrôlées manquent, qui seules pourraient la bien fixer;
mais elle a pour l'ingénieur importance trop haute pour que nous
ne la tentions pas. Afin d'établir certains points de repère,
commençons par calculer théoriquement ce que peut, être
le rendement pour chacun des trois agents communément employés.
1° Automobiles à vapeur.—
Le
rendement thermique d'un moteur est le rapport du nombre
de calories véritablement utilisé sur le piston au nombre
de calories représenté par le combustible brûlé.
Ce rendement thermique est lui-même le produit de deux facteurs
: 1º le
rendement de la chaudière, rapport
du nombre de calories, qui ont réellement servi à vaporiser
de l'eau, à celles qui étaient emmagasinées dans
le combustible employé (ce rapport est d'environ 70 à 80
%, ce qui prouve que 30 ou au moins 20 % des calories sont perdues, soit
avec les particules qui traversent la grille du foyer avant d'être
bien consumées, soit avec les fumées qui emportent
une partie de la chaleur dégagée) ; 2º le
rendement
interne du moteur, rapport du travail recueilli par le piston au travail
équivalent à la chaleur qui a servi à produire la
vapeur (ce rapport est d'environ 15 à 20 %, ce qui prouve que 85
ou au moins 80 % de la chaleur du fluide n'est pas utilisée, soit
parce qu'elle reste à l'état de chaleur et ne se transforme
pas en travail, soit parce.que la pression ne s'exerce pas utilement sur
le piston).
Le
rendement organique du moteur est le rapport du travail
recueilli sur l'arbre à celui qui est reçu par le piston
(qui s'appelle aussi
travail indiqué, parce que c'est
celui que donnent les
indicateurs de pression) ; ce rapport
est égal à 70 ou 80 %, ce qui prouve que 30 ou au moins
20 % du travail recueilli par le piston est consommé en pure perte
par les bielles et manivelles reliant le piston à l'arbre.
Il faut donc, pour avoir le
rendement effectif du moteur,
c'est-à-dire le rapport du travail recueilli sur l'arbre au travail
représenté par les calories du combustible employé,
faire le produit des trois rendements élémentaires que
nous venons de définir. Si nous prenons pour chacun d'eux la moyenne
des valeurs données, nous arrivons pour le rendement effectif à
la valeur moyenne de (0,750 x 0,175 x 0,750) = environ 0,100.
M. Dwelshauvers-Dery estime qu'on ne dépassera jamais,
avec la machine à vapeur, un rendement effectif de 15 à
16 %, quelques perfectionnements qu'on essaie de porter au foyer, a la
chaudière, au moteur et à ses transmissions à l'arbre.
En tout cas, le plus gros rendement que nous sachions réalisé
jusqu'ici est de 13 %, qui correspond à la consommation de 650
grammes de charbon brûlé dans le foyer par cheval-heure effectif
recueilli sur l'arbre du moteur. La consommation n'a été
ainsi réduite qu'avec des machines très puissantes et
dotées de tous les perfectionnements connus : vapeur surchauffée,
détente multiple, condensation énergique. Avec les machines
de faible force et de constitution volontairement simplifiée comme
celles que met en oeuvre l'automobilisme, il ne faut pas compter, à
beaucoup près, sur une dépense aussi minime. Si nous adoptons
celle de 1 kg. 500, qui est réalisée dans les moteurs de
Dion-Bouton, elle équivaut à un rendement effectif du moteur
de 0,13 x 0,650 / 1.500 = 0,056, sort 5 % en nombre rond
9.
Il faut maintenant tenir compte du
rendement de la voiture
elle-même, c'est-à-dire multiplier le travail disponible
sur l'arbre du moteur par le rendement de la transmission, pour avoir
le travail disponible sur la jante de la roue. Ce rendement n'a pas été
trouvé, pour les voitures à pétrole expérimentées
à Chicago (§ 319), supérieur à 50 %
10.
Avec les véhicules à vapeur, dont la transmission est notablement
plus simple, on peut l'évaluer à 60 %, peut-être
mème à 70 %, si, comme on l'admet quelquefois, la suppression
d'un arbre intermédiaire diminue de 10 % le déchet de la
transmission. Si nous prenons le chiffre le plus élevé,
nous arrivons pour rendement final de la vapeur, c'est-à-dire pour
rapport entre l'énergie utilisée à la jante et l'énergie
potentielle du combustible à 3,92 %, moins de 4 %. C'est vraiment
piteux, et bien fait pour montrer à l'ingénieur moderne,
parfois si fier de ses oeuvres, de quel gaspillage il se rend coupable vis-à-vis
de ces trésors d'énergie, que les siècles ont si
lentement accumulés dans les gisements houillers.
2° Automobiles à
pétrole. —
Nous ne rééditerons pas pour le pétrole ce
que nous venons de détailler pour le charbon : il nous faudrait
seulement remplacer dans les deux facteurs élémentaires
du rendement thermique le rendement de la chaudière par celui de
l'explosion, qui n'est autre que le rapport du nombre de calories dégagées
par l'explosion du mélange tonnant aux calories représentées
par le combustible. Nous dirons tout de suite; qu'on peut espérer
atteindre pour le
rendement effectif du moteur à pétrole
20 % ; si ce taux est plus élevé que pour la machine
à vapeur, cela tient, d'une part, à ce que la combustion de
la gazoline se fait dans le cylindre même, alors que celle du charbon
s'effectue dans un foyer, qui l'utilise très mal ; d'autre part, à
ce que la température atteinte par les gaz provenant de l'explosion
est bien supérieure à celle de la vapeur (1.500 et 1.800 degrés,
au lieu de 200, et le théorème de Carnot montre que le
rendement économique du moteur s'élève avec cette,
température).
Mais les moteurs employés en automobilisme ne réalisent
pas ce rendement effectif de 20 %. Un moteur Daimler de 2 à 4
chevaux a donné au professeur Hartmann un rendement thermique de
11 %, un rendement effectif de 9,7 %. Ces chiffres concordent à
peu près avec ceux qu'on peut déduire, des essais de Chicago
: en partant de ceux-ci, M. R. Soreau
11 fixe à 0 kg.
870 (soit 1 l. 25) en moyenne la consommation de gazoline par cheval-heure
disponible sur l'arbre du moteur, ce qui équivaut à un rendement
thermique de 9 à 10 %, à un rendement effectif de 7,3. Depuis
l'époque de ces essais (novembre 1895), la construction des moteurs
à gazoline a beaucoup progressé : on peut, semble-t-il,
admettre que leur rendement thermique atteint assez, couramment 16%, correspondant
à un rendement effectif d'environ 13 % et à une consommation
d'environ 0 kg. 500, soit 0 l. 700 par cheval-heure effectif sur l'arbre
du moteur
12.
L'invention du moteur Diesel a beaucoup augmenté ce rendement
: l'ingénieur allemand prétend que théoriquement
la consommation doit descendre à 112 gr. par cheval-heure indiqué,
ce qui correspondrait à un rendement thermique de 75 %. Eu tout
cas, nous avons vu (§ 119) que le moteur de 20 chevaux a donné
34 à 35 % en pleine charge, 38 à 40 % en demi-charge,
comme rendement thermique, et respectivement 75 et 59 % comme rendement
organique, ce qui donne au total, comme rendément effectif, 25 %
en pleine charge et 22 % en demi-charge. Cela correspond à des consommations
de pétrole de 240 gr. par cheval-heure sur l'arbre pour la pleine
charge, 277 gr. pour la demi-charge. Jusqu'à présent les
meilleures machines à pétrole fixes dépensaient 300
ou 400 gr.
13. On voit combien il faut souhaiter que ce moteur
soit appliqué à l'automobilisme.
En attendant qu'il le soit, il nous semble prudent de ne
pas prendre comme rendement effectif du moteur plus de 12 ou 13 %. Et
pour passer au rendement sur la jante de la roue d'une automobile,
il faut multiplier ce chiffre par le coefficient de rendement de
la transmission, soit 50 %. Donc, au total, il n'y a guère que 6
ou 7 % de l'énergie du pétrole qui soient utilisés.
Ce n'est pas beaucoup plus brillant que pour la vapeur; et nous n'avons
pas besoin de dire que si l'on fait intervenir le coût des deux combustibles,
coke et gazoline, on arrive ordinairement pour le prix de revient de la
traction à un prix bien plus bas avec la vapeur qu'avec le pétrole
14.
3º Automobiles électriques. -
Supposons l'électricité fabriquée, comme
c'est le cas général, dans des usines pourvues de moteurs
à vapeur perfectionnés ; nous pouvons prendre pour rendement
effectif de ceux-ci 10 %.
Le rendement industriel de la dynamo (rapport du travail mécanique,
qui lui est fourni, à l'énergie électrique qu'elle
produit) doit être d'au moins 75 % (M. Hospitalier admet 80 %).
L'électricité est emmagasinée dans des accumulateurs,
pour le rendement desquels nous ne pouvons pas adopter (§ 330
bis)
un chiffre supérieur à 75 %.
Ils le restituent à un moteur électrique, de rendement
au moins égal à 75 % (M. Hospitalier admet 80 à 88
%, soit 84 % en moyenne).
Le rendement de la transmission, qui relie l'arbre, du moteur
électrique aux roues, d'après les essais de Chicago (§
319), peut être évalué à 70 % (M. Hospitalier
a admis un chiffre beaucoup plus fort, 90%).
Le rendement final (rapport de l'énergie recueillie aux
jantes des roues à celle de la houille brûlée dans
le foyer de la machine à vapeur, qui actionne les dynamos génératrices
de l'usine de chargement) est de 0,039 avec les chiffres les plus bas,
de 0,045 avec ceux de M. Hospitalier. Ce rendement est intermédiaire
entre ceux de la vapeur et du pétrole. Mais l'électricité
donne le moyen d'utiliser, au lieu du charbon toujours coûteux,
une force naturelle presque gratuite, celle des chutes d'eau. Un jour
viendra où l'énergie de ces chutes, qui aujourd'hui se perdent,
sera captée et alimentera un réseau de distribution à
mailles assez serrées pour assurer le ravitaillement des automobiles
sillonnant le pays. Il faut dire aussi que la dépense de fluide
ne constitue qu'une part minime des frais de la locomotion électrique.
336. - Comparaison des rendements
calculés et de quelques rendements réalisés. -
Les rendements que nous venons de dégager sont déplorables;
nous allons pourtant montrer qu'ils ne sont guère dépassés
dans la pratique, qu'ils ne sont même pas toujours atteints.
D'une expérience de 8 mois, portant sur 7.700 km., M. Michelin
a cru pouvoir déduire qu'un break à vapeur de Dion-Bouton
à 6 places, pesant 2.050 kg. en ordre de marche, 2,500 kg. avec
sa charge utile, et marchant à la vitesse moyenne de 16 km. à
l'heure a dépensé par kilomètre 6,16 centimes de
coke.
Si nous admettons que ce combustible coûtait 35 fr. la tonne,
les 6,16 centimes correspondent à 1 kg. 75 de coke, qui, si l'on
prend 7.500 pour son pouvoir calorifique, équivalent à
13.125 calories, et à 5.578.125 kilogrammètres.
Or, d'après les tableaux de MM. Julien et Boramé
(p. 287), l'effort utile exercé tangentiellement à la jante
est, à la vitesse de 16 km., en palier, pour une voiture de 2.500
kg., de 90 kg. Le nombre de kilogrammètres utilisé
par kilomètre est donc 90.000; et le rendement à la jante
90.000 / 5.750.125 = 0,016.
Mais tout le parcours ne s'est pas fait en palier; supposons qu'il
se soit effectué tout le temps en rampe de 4 %, l'effort tangentiel
eût été de 190 kg., c'est-à-dire à
peu près le double de ce qu'il était en palier. Le rendement
serait alors deux fois plus grand c'est-à-dire égal à
0,032; il reste encore inférieur à la valeur que nous avons
déterminée par le calcul. Et nous n'avons pas besoin de
faire remarquer que le break n'a pas toujours marché à pleine
charge, et qu'il n'a pas, à beaucoup près, parcouru une route
ayant une pente moyenne de 40 mm. par mètre.
Le pétrole va nous donner des résultats moins mauvais.
Nous extrayons du catalogue du 15 avril 1898, de la maison Peugeot
ce renseignement qu'il faut compter de 6 à 9 centimes par kilomètre
pour une voiture dont le moteur a une puissance de 4 à 6 chevaux.
Prenons les chiffres extrêmes, 9 centimes pour 6 chevaux.
En comptant l'essence à 0 fr. 40 le litre de 0 kg. 700,
les 9 centimes correspondent à 0 kg. 157, qui, si on admet un
pouvoir calorifique de 11.000 calories représentent 0,157 x 11.000
= 1.727 calories, et 1.727 x 425 = 733.975 kilogrammètres.
Admettons que la voiture de 6 chevaux pèse 1.000 kg. avec
ses voyageurs et marche à 30 km. à l'heure en palier; l'effort
tangentiel correspondant est de 51 kg. ; le travail utilisé est
donc de 51.000 kgm. par kilomètre, et le rendement 51.000
/ 733.975 est un peu inférieur à 7 %.
La voiture de livraison des Etablissements Panhard, engagée
au Concours des Poids lourds de 1898, avait un moteur de 8 chevaux et
pesait 3.000 kg. avec sa tonne de charge utile. Ses constructeurs ont déclaré
qu'elle consommait 5 1. d'essence, à la vitesse moyenne de 10
à 12 km. à l'heure ; 5 / 12 de litre d'essence à
0 kg. 700 pèsent 0 kg. 300, qui équivalent à 0,3
x 11.000 = 3.300 calories et 3.300 x 425 = 1.402.500 kilogrammètres.
Avec une voiture de 3 tonnes, l'effort tangentiel qui doit être développé
aux jantes des roues pour leur imprimer la vitesse linéaire de 15
km. en palier est de 109 kg. Prenons, en nombre rond, 110 kg. pour la
vitesse de 12 km. sur route moyennement accidentée, cela équivaut
par kilomètre à 110.000 kilogrammètres utiles, et
donne un rendement de110.000 / 1.402.500 = 0,077.
Un calcul analogue nous montrerait que le rendement s'élève
à 0,08 pour le break Dietrich de 9 chevaux pesant 3.060 kg., qui
a pris part au même concours, et pour lequel on accuse une consommation
de 1 l. d'essence, de 0 kg. 700 à 0 kg. 710, pour 2 km. 5 parcourus
à la vitesse de 16 km. à l'heure en palier.
Il semble donc que les chiffres auxquels le calcul nous a conduits
correspondent assez exactement à la réalité des
choses
15.
337. — Progrés à
chercher. —
L'une des premières améliorations à chercher
pour les voitures mécaniques est donc celle de leur rendement.
Et notez, qu'en la réalisant, pour la voiture à pétrole,
c'est-à-dire en assurant une utilisation meilleure du mélange
carburé, on l'affranchira du même coup de l'un de ses inconvénients
les plus graves, la mauvaise odeur qu'elle dégage. Par ce côté
le perfectionnement du moteur se lie intimement avec celui du carburateur;
il y a lieu d'étudier ce dernier et sa meilleure adaptation à
chaque genre de moteur. Il conviendrait aussi d'examiner de très
près l'influence de la qualité de l'essence.
Sans quitter le moteur à pétrole, il y aurait un
intérêt majeur à le doter de l'élasticité
qui lui manque. Nous avons mis en relief (§ 144) les inconvénients
qui en résultent, et décrit (§102
bis et 122)
quelques moyens d'y remédier; mais aucun de ces moyens n'est d'une
application courante, et le champ reste libre aux investigations des chercheurs
16.
Il faudrait aussi pouvoir supprimer la circulation d'eau et rendre la mise
en marche plus facile.
Le rendement des transmissions demande à être grandement
amélioré; il devrait faire l'objet d'expériences
comparatives. Nous avons admis qu'il était en moyenne de 50 %
pour les voitures à pétrole; c'est le chiffre qu'a donné
le concours de Chicago (§ 319). Nous voulons croire qu'il est un
peu bas ; nous ne pouvons cependant le majorer sans essais probants, qui
nous fixent sur la valeur relative des divers modes de transmision employés
: engrenages, courroies, chaînes Galle, systèmes acatènes.
Le concours de moteurs nous a donné (§ 330) quelques résultats
intéressants, mais qui demandent à être complétés.
Un changement de vitesse bien progressif serait fort précieux,
tant qu'on n'aura pas trouvé un moteur assez élastique pour
se passer de cet organe complexe.
Du reste les calculs, auxquels nous nous sommes livré pour
établir la puissance à donner au moteur d'une voiture
(§ 148 à l57), nous ont montré sur quelles bases
empiriques et peu sûres on était, à chaque instant,
forcé de s'appuyer. Dans les formules des divers efforts résistants
entrent des coefficients numériques fort incertains : coefficients
de frottement des fusées dans leurs boîtes, des roues sur
la chaussée, des organes de transmission les uns sur les autres
; résistances provenant de la nature et de la déformation
de la chaussée, de la pression de l'air... Il y aurait un intérêt
considérable à les déterminer de façon plus
exacte. Depuis longtemps déjà, M. Deprez a précisé
comment on pourrait déterminer le frottement des fusées.
M. Forestier a indiqué pour les autres
17 des méthodes
fondées sur l'emploi du pendule dynamométrique de M. Desdouits
ou d'une voiture électrique, préalablement munie d'un indicateur
de vitesse suffisamment exact. Les voies sont tracées; souhaitons
qu'elles soient bientôt suivies et perfectionnées.
Si nous passons aux organes mêmes de la voiture, nous y
voyons encore l'empirisme régner en maître.
Pour les roues, par exemple, est-on fixé sur l'utilité
du carrossage et de l'écuanteur, sur leur incompatibilité
plus ou moins absolue avec la traction par chaînes, sur leur effet
dans les virages? L'est-on davantage sur le meilleur diamètre à
donner aux roues, sur la substance convenant le plus à la fabrication
de leurs rais, sur la largeur à donner aux jantes, même
sur le gonflement à adopter pour les pneus ?
Nous pourrions accumuler les questions, sur lesquelles règne
une pareille incertitude. Jusqu'à ces derniers temps il en était
de même pour les mécanismes de la direction : la lumineuse
étude de M. Bourlet semble avoir fixé la matière
(§ 192). Il serait désirable de voir une analyse aussi judicieuse
se porter sur bien des points restés obscurs de l'automobilisme.
Chacune pourrait devenir pour lui la source d'un progrès véritable.
Assurément, dans quelque vingt ans, moins peut-être, nous
trouverons bien barbares les voitures les plus perfectionnées d'aujourd'hui.
328. — L'avenir. —
Mais ce qui reste à faire ne doit, point nous empêcher
de reconnaître l'importance de ce qui a déjà été
fait dans le court laps de temps qui nous sépare de la renaissance
de l'automobilisme.
Dès aujourd'hui il constitue un moyen de locomotion d'une
puissance et d'une rapidité jusqu'ici inédites : il n'est
pas encore à l'abri de la panne, mais, dans les mains d'un chauffeur
exercé, celle-ci tend à devenir l'exception, occasionnée
par un détraquement de l'allumage, un accroc dans le fonctionnement
de la pompe, le plus souvent une crevaison de pneumatique, tout autant
de causes d'arrêt faciles et même promptes à guérir.
Demain — et demain ne se fera pas attendre, si ses fervents s'attachent
à diminuer dans le public la méliance causée par
l'imprudence de quelques-uns — l'automobilisme sera sûr et économique,
et passera complètement dans les moeurs. Son développement
va donc se précipiter ; c'est bien le cas de dire :
vires acquirit
eundo.
1. Ch. Küss et Charbonel, Annales des Ponts
et Chaussées, 2e trimeste 1897.
2. Pour se faire une idée du nombre de chevaux que peut
remplacer un moteur mécanique, on peut se baser sur les chiffres
donnés, par M. Lavalard, dans un rapport récent qu'il
a présenté au Conseil d'administration de la Compagnie
Générale des Omnibus à Paris, sur le service de
la cavalerie : le travail journalier d'un cheval d'omnibus ne dépasse
pas en moyenne le sixième du travail d'un cheval-heure en 24 heurés
; il peut descendre au douzième.
3. M. le Comte de Chasseloup-Laubat a fait, en juillet 1899,
le voyage de Paris à Rouen (136 kilom.) en 7 heures l5 minutes,
sans toucher a ses accumulateurs; il est rentré le soir méme
à Paris, en 7 heures 32 minutes, après les avoir rechargés
à Rouen, de midi à 7 heures. La voiture qu'il pilotait n'était
pourtant pas faite pour les longs parcours, mais plutôt pour
les parcours de longueur moyenne effectués à grande vitesse:
c'était, en effet, la voiture Jeantaud avec laquelle M. de Chasseloup-Laubat
avait établi à Achères un record du kilomètre
(§ 325) fort respectable. Cette voiture pesait 2.250 kilog. avec
ses deux voyageurs et ses 80 éléments Fulmen typé
B17 de 850 kilog., soit 37 % du poids total. Evidemment,
en augmentant cette dernière proportion, on pourrait prolonger
encore la longueur des parcours sans ravitaillement.
En Amérique, une voiture pesant 1.132 kg., avec ses deux
voyageurs et ses 448 kg. d'accumulateurs représentant 39 % du
poids total, a, paraît-il, effectué, sans rechargement,
un parcours de 161 km. en 7 h. 48, soit à la vitesse moyenne de
21 km. à l'heure.
4. Dans ces chiffres sont compris les constructeurs et négociants
d'automobiles, qui sont tous propriétaires d'une voiture
au moins.
5. Dans les divers pays étrangers, ne sont compris que
la Russie, le Danemark, le Portugal, le Grand-Duché de Luxembourg.
Les documents sur les États-Unis d'Amérique n'étaient
pas encore parvenus aux éditeurs.
6. The Evening Post évalue à plus de 800
millions de francs les capitaux engagés dès à présent
aux États-Unis dans l'industrie automobile. Nous ne voudrions
pas nous porter garant de ce chiffre, mais nous pourrions relever une
liste de sociétés bien vivantes, qui, il est vrai, ne construisent
que la voiture électrique, et dont les capitaux se chiffrent
par des nombres, aussi authentiques que respectables, de millions de
dollars.
7. Revue Générale des sciences, 30 mars
1899, p. 237.
8. L'Allemagne elle-même peut devenir pour nous une concurrente
sérieuse: les ateliers de Mannheim se disent en mesure de produire
5 voitures Benz par jour; ce serait presque le quintuple de ce que fabriquaient,
il n'y a pas bien longtemps, chacun pour leur compte nos plus grands
ateliers automobiles.
9. On peut arriver beaucoup plus vite à ce nombre: en effet,
une machine, qui brûle 1 kg. 500 de charbon par cheval-heure
effectif, dépense par heure (1,5 x 7.500 x 425) calories (7.500
étant le pouvoir calorifique du charbon, et 425 l'équivalent
mécanique de la chaleur), pour recueillir (75 x 3.600) kilogrammètres;
son rendement effectif est donc égal à 75 x 3.600 / 1,5
x 7.500 x 425 = 0,056. Mais la marche un peu lente, que nous avons suivie,
n'est pas inutile pour faire comprendre au lecteur, peu familiarisé
avec ces notions de rendements, comment le combustible peut subir, en
cours de transformation, un aussi énorme déchet.
10. M.Witz dit qu'il varie de 0,40 à 0,75, et est en moyenne
de 0,50.
11. Mémoires de la Société des Ingénieurs
civils, juin 1898.
12. M. Hospitalier admet 0 1. 500 (Locomotion Automobile
du 11 mai 1899, p. 292). Il ne tient probablement pas compte de la consommation
des brûleurs, qui n'est pourtant pas négligeable : les
brûleurs de la voiture de livraison Panhard de 8 chevaux ont donné,
au Concours des Poids lourds de 1898, une consommation de 0 1. 695 pendant
une marche à vide de 2 heures ; ceux du break Dietrich, de 9 chevaux,
ont dépensé, au même concours et pendant le même
temps, 0 1. 500 d'essence. Les constructeurs de la voiture Panhard en
question évaluent à 0 1. 630, ou 0 kg. 450 d'essence la
consommation de son moteur de 8 chevaux par cheval-heure effectif. Nous
croyons donc que le chiffre de 0 1. 700 que nous avons admis n'a rien d'exagéré.
13. M. Petréano a pourtant, paraît-il, obtenu, avec
un moteur de 4 chevaux, le cheval-heure effectif moyennant une dépense
de 250 gr. de pétrole de densité 0,85.
14. En estimant le coke à 35 fr. la tonne, et la gazoline
de densité 0,670 à 0 fr. 40 le litre, comme au concours
des Poids lourds, et en prènant 7.500 calories pour le pouvoir calorifique
du coke et 10.000 pour celui de la gazoline, on trouve que 10.000 calories
coutent 0 fr. 045 avec le charbon et 0 fr. 600 avec le pétrole.
Il faudrait donc pour qu'il y eût égalité de dépenses
avec les deux combustibles, que le rendement de la voiture à pétrole
fût quatorze fois meilleur que celui de la voiture a vapeur (H.
Soreau, Mémoires des Ingénieurs civils, juin 1898).
15. Il ne serait pourtant pas difficile de trouver, parmi les
consommations annoncées par les constructeurs, plusieurs d'entre
elles, qui conduiraient pour le rendement à des valeurs plus
élevées que celles que nous avons données. Mais ces
chiffres optimistes nous laissent fort sceptique ; aussi nous sommes-nous
presque toujours abstenu de reproduire les consommations annoncées
par les constructeurs, et à plus forte raison les frais d'entretien,
sur lesquels règne une indécision encore plus grande. Nous
nous contenterons de consigner ici quelques chiffres qui nous paraissent
mériter confiance.
En ce qui concerne la vapeur, nous renverrons pour les Poids
lourds le lecteur aux chiffres que nous avons donnés à
propos des Concours de Versailles (§ 327) et de Liverpool (§
328). Pour les voitures plus légères, nous dirons, à
propos du break de Dion-Bouton à six places, dont nous avons déjà
parlé (page 700}, que M. Michelin a déduit d'une expérience
de 8 mois, ayant porté sur 7.700 km. parcourus à la vitesse
commerciale moyenne de 16 km., que les consommations par km. étaient
de
6,16 centimes de coke
0,07 — d'huile
pour le moteur
3,46 —
d'huile pour le graissage
0,06 —
de graisse
9,75 centimes
Les frais d'entretien se sont élevés
à 50 fr. par mois, et ont grevé le kilomètre parcouru
d'environ 5 cent. Rapportés à la tonne kilométrique,
ces chiffres font ressortir le prix de cette dernière à
15 / 2,5 = 6 cent. pour la voiture chargée de ses six voyageurs.
Pour le pétrole, M. Baudry de Saunier a dépensé
2,5 cent. d'essence et d'huile de graissage par kilomètre, pour
parcourir, avec un tricycle de Dion-Bouton de 1 3/4 chx. remorquant une
voiturette, et pesant 333 kg. avec ses deux voyageurs et leurs bagages,
les 250 km. qui séparent Paris de Lion-sur-Mer, à la vitesse
moyenne de 25 km. A raison de 0 fr. 40 le litre d'essence cela fait un peu
plus de 1/20 de litre par kilomètre.
M. le Docteur Calbet (France automobile du 5 mars 1899,
p. 117), avec sa Panhard de 4 chx. pesant 680 kg. en ordre de marche,
890 kg. avec ses deux voyageurs et une malle de 70 kg., a dépensé
pour parcourir 1.760 km., à la vitesse moyenne de 19,645
km., 254 l. d'essence; cela fail 0 l. 144 d'essence par km.
D'une expérience portant sur 12.000 km. parcourus en
32 mois, il a déduit pour le prix kilométrique le total
de 0 fr. 5736, se décomposant ainsi qu'il suit :
Essence..................................................
0,0653
Huile et graisse....................................
0,0050
Bandages pneumatiques......................
0,0307
Réparations et divers...........................
0,1650
Amortissement.....................................
0,1174
Remise et impôt....................................
0,0375
Domestique...........................................
0,1527
C'est presque exactement le prix kilométrique
calculé pour le coupé Peugeot par la Commission du concours
de fiacres de 1898.
La maison Peugeot évalue de 6 à 9 cent, la dépense
kilométrique pour moteur de 4 à 7 chx, et à 5 cent,
les frais d'entretien (y compris ceux des bandages pneumatiques, censés
faire 6.000 à 8.000 kilomètres, mais sous toutes réserves).
Pour les Poids lourds, nous renverrons le lecteur à ce
que nous avons dit (§ 327 et page 701), et pour les voitures électriques
aux § 327 et 329.
16. M. Marmonnier vient de combiner un moteur à admission
et détente variables, que nous avons eu l'occasion de décrire
ailleurs (Revue industrielle, 16 décembre 1899, p. 494),
et dans lequel une coulisse est devenue l'organe principal de la
distribution, comme dans une machine à vapeur. Le peu d'élasticité
du moteur à pétrole tient à ce double fait qu'on
admet à chaque cylindrée une même quantité de
mélange carburé (parce que le volume du cylindre est constant)
et que les proportions de ce mélange peuvent guère varier (parce
que celles qui conviennent à sa meilleure utilisation et la compression
qu'il faut faire subir au mélange pour assurer cette meilleure utilisation
sont très limitées). Dans le moteur de M. Marmonnier, le volume
de la cylindrée, et par suite la quantité du mélange
admis, peuvent être modifiés, sans faire varier les proportions
relatives de gaz frais et de gaz brûlés ni le degré
de compression qu'on leur fait subir. Ces résultats, fort désirables,
ne peuvent d'ailleurs être atteints que par la construction de tout
un mécanisme compliqué, qui n'a pas jusqu'ici été
réalisé.
Beaucoup plus simple, et facilement adaptable aux moteurs déjà
existants, est celui qu'a tout récemment imaginé M. A.
Hérisson, professeur du mécanique à l'Institut agronomique;
Cest un dispositif permettant de faire varier le moment de l'allumage
avec l'inflammation par tube aussi bien qu'avec l'inflammation électrique.
A l'extrémité ordinairement fermée du tube d'allumage
est placée une petite soupape s'ouvrant de dedans en dehors,
à un moment et d'une quantité réglables à
volonté. Cette soupape en s'ouvrant laisse s'échapper à
l'air libre une partie des gaz brûlés qui remplissent le tube,
partie d'autant plus grande que la levée est plus considérable.
Il en résulte que le mélange tonnant arrive plus tôt
au contact de la paroi incandescente du tube et que l'allumage se produit
plus vite M. Hérisson estime aussi que le mélange est de
la sorte mis en rapport avec la partie la plus chaude du tube et que l'inflammation
est plus rapide et plus intense. Dans la pratique, la levée de la
soupape doit rester toujours très petite et ne pas se produire
trop tôt: si la soupape s'ouvrait trop vite ou d'une quantité
trop grande, l'inflammation cesserait de se produire et le moteur s'arrêterait.
En faisant agir sur sa tête un ressort de la force voulue
et de tension variable, on pourra modifier à volonté le moment
et l'importance de sa levée. Ce dispositif permet donc de régler
la vitesse du moteur et même de l'arrêter.
17. Génie civil, t. XXXV, nº 6, p. 92.